La récurrence de l’incarcération de personnes exerçant leur droit de liberté d’expression et de manifestation au Togo finit par agacer l’Union Européenne. Le cas d’Abdoul Aziz Goma a été examiné au parlement européen. Le texte adopté somme le Togo de libérer sans condition le détenu.

En effet, dans une résolution en date du 11 septembre 2025 consacrée au prisonnier Abdoul Aziz Goma, condamné à dix ans d’emprisonnement, le Parlement Européen considère que l’accusé, ‘’torturé’’, est ‘’arbitrairement’’ détenu en prison à Lomé. Il exhorte l’Union et ses Etats membres à recourir aux voix diplomatiques pour résoudre son cas mais exige que la condamnation du détenu soit annulée et demande au gouvernement de faciliter son évacuation.

La réaction du gouvernement togolais ne s’est pas fait attendre. Au lendemain de l’adoption de la résolution, le ministre des affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur résident de la Délégation de l’Union Européenne pour obtenir des clarifications officielles sur le sens de l’initiative. Pour le Togo, la résolution constitue une ingérence dans ses affaires intérieures. Les autorités togolaises estiment que le dossier relève exclusivement de la souveraineté nationale et que cette résolution est ‘’inacceptable’’.

En intégralité la résolution du parlement européen qui indigne les autorités togolaises                         

TEXTES ADOPTÉS

P10_TA(2025)0194

Cas d’Abdoul Aziz Goma, détenu de façon arbitraire au Togo

Résolution du Parlement européen du 11 septembre 2025 sur le cas d’Abdoul Aziz Goma, détenu de façon arbitraire au Togo (2025/2862(RSP))

Le Parlement européen,

– vu l’article 150, paragraphe 5, et l’article 136, paragraphe 4, de son règlement intérieur,

A. considérant qu’Abdoul Aziz Goma, qui a la double nationalité irlandaise et togolaise, a été arrêté et placé en détention au Togo en décembre 2018 pour avoir assisté les manifestants locaux dans le cadre de manifestations précédant les élections;

B. considérant qu’en février 2025, il a été reconnu coupable au terme d’un procès d’une journée et condamné à 10 ans d’emprisonnement, aux côtés de 13 autres personnes, dans un contexte de graves préoccupations quant au caractère équitable de la procédure;

C. considérant que de graves tortures ont été infligées à M. Goma, qu’il a longuement été détenu au secret, qu’il a passé plus de six ans en détention provisoire dans des conditions inhumaines et que, le 27 août 2025, il a entamé une grève de la faim en signe de protestation contre ses conditions de détention;

D. considérant qu’en 2023, le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a conclu à la violation des droits de M. Goma à la liberté de réunion, à la liberté d’association et à un procès équitable;

E. considérant que la santé de M. Goma s’est gravement détériorée au cours de sa détention et qu’il souffre de dommages neurologiques, d’une sciatique prononcée et d’une mobilité réduite nécessitant une assistance médicale urgente;

F. considérant que la prison civile de Lomé est extrêmement surpeuplée; que ces conditions, caractérisées par un espace, de la nourriture et un traitement médical inadéquats, enfreignent les normes internationales; qu’en 2019, le comité des Nations unies contre la torture a recommandé aux autorités togolaises de fermer cette prison;

G. considérant que les arrestations arbitraires de citoyens, en particulier d’activistes de la société civile, amoindrissent la confiance de la population envers les institutions et accentuent les tensions politiques;

H. considérant que cette affaire est symptomatique du grave recul de la démocratie au Togo, dont témoignent les modifications de la constitution opérées en 2024;

I. considérant que l’influence de la Russie au Sahel et en Afrique de l’Ouest est alarmante;

1. condamne fermement l’arrestation arbitraire d’Abdoul Aziz Goma, sa détention au secret prolongée et les actes de torture dont il est victime; fait part de sa profonde préoccupation concernant le bien-être physique et psychologique de M. Goma;

2. invite instamment les autorités togolaises à le libérer immédiatement et sans conditions, conformément à l’avis du groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire; exige que la condamnation de M. Goma soit annulée, que la sécurité de celui-ci soit garantie et que les autorités facilitent son évacuation sanitaire d’urgence;

3. souligne qu’il est nécessaire de garantir que les conditions de détention soient conformes aux normes internationales en matière de droits de l’homme; invite les autorités togolaises à réformer le système pénitentiaire du pays et à cesser de placer arbitrairement les opposants politiques en détention provisoire;

4. insiste sur le fait que la liberté de réunion et d’expression doit être protégée; invite instamment les autorités à garantir que la société civile, parmi laquelle les manifestants pacifiques et les défenseurs des droits de l’homme, dispose d’une sphère adéquate pour opérer;

5. signale que le fait d’emprisonner arbitrairement et de torturer des opposants politiques, des défenseurs des droits de l’homme et des individus considérés comme critiques envers le gouvernement ébranle l’état de droit et la gouvernance démocratique au Togo; demande la libération immédiate et sans conditions de tous les prisonniers politiques;

6. invite l’Union et ses États membres à recourir aux voies diplomatiques pour résoudre ce cas et à appuyer les efforts visant à renforcer l’indépendance de la justice et l’état de droit au Togo;

7. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission / haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ainsi qu’au gouvernement et au Parlement du Togo.