Un communiqué en date à Abuja du 16 avril 2024 informe du séjour au Togo du 15 au 20 avril d’une mission d’information de la Commission de la CEDEAO, dans la perspective des élections législatives et régionales prévues le 29 avril prochain. Quand on considère que ce communiqué a été précédé d’un autre indiquant que l’objectif principal de cette mission est de discuter avec les différentes parties prenantes concernant la récente modification constitutionnelle adoptée le 25 mars dernier par les députés togolais, on s’interroge sur les véritables intentions de cette institution qui a laissé de mauvais souvenirs au Togo, dans les conflits électoraux que ce pays a connus et qui essaie de se rétracter de l’épineux dossier de la nouvelle constitution lequel continue de cristalliser farouchement le débat dans ce pays. Considérablement désavouée dans la sous-région pour ses prises de positions et missions tendancieuses aux côtés des dictateurs, l’institution joue le reste de sa crédibilité à Lomé.
des élections, les organisations de la société civile, les médias, et les partenaires.
Il affirme que l’initiative s’inscrit dans le cadre des dispositions de l’article 12 du protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO de 2001, ainsi que de l’article 53 (c) du Cadre de prévention des conflits de la CEDEAO.
« Le but est de garantir un processus électoral transparent, crédible et conforme aux normes démocratiques de la CEDEAO », souligne le communiqué qui rappelle que cette mission soumettra son rapport et ses recommandations au président de la Commission de la CEDEAO, Omar Alieu Touray pour qu’il prenne des décisions et des mesures appropriées, y compris le déploiement d’une Mission d’observation élec- torale (MOE) pour les élections législatives et régionales.
Revirement spectaculaire
Comme on le voit, l’idée première de la CEDEAO en dépêchant une délégation à Lomé était de connaitre du contentieux né de l’adoption à la sauvette par une législature, dont le mandat a ex- piré des mois durant, d’une nouvelle constitution à deux mois des élections. Cette démarche qui non seulement viole la constitution en vigueur au Togo et une disposition du protocole sur la
démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO, devrait interpeller au premier chef, l’institution sous régionale.
Les modifications constitutionnelles en question proposées par une législature dont le mandat a expiré depuis des mois et à moins de 6 mois des élections législatives et régionales, visent à transformer le système politique togolais, passant d’un système présidentiel à un modèle parlementaire. Selon ces propositions, les membres du Parlement éliront désormais, le Président, qui nommera à son tour le Président du Conseil des Ministres, conférant ainsi des pouvoirs exécutifs équivalents à ceux d’un Premier Ministre, comme c’est le cas dans le système anglais et autres en occident. Le président sera choisi au sein du parti ou de la coalition détenant la majorité parlementaire.
Sur le terrain, la démarche est énergiquement contestée par l’opposition, les organisations de la société civiles, les prélats, des universitaires, dont des anciens ministres et autres. Pour les op- posants et des acteurs de la société civile, cette nouvelle constitution adoptée par des députés dont le mandat a largement ex- piré, n’est plus ni moins qu’une manœuvre destinée à permettre au chef de l’Etat, de s’accrocher indéfiniment au pouvoir. Et pour cause, il est prêté à ce dernier qui est à son 4ème mandat l’intention de prendre toute sa part dans la nouvelle constitution en s’adjugeant le poste de président du conseil des ministres qui dépouille le président de la république de ses prérogatives et le réduit à un vil inaugurateur des chrysanthèmes. Ce dernier, à qui le texte a été envoyé pour promulgation, a cru devoir le renvoyer au parlement, en seconde lecture. Les espoirs suscités par cette décision qui laissait croire à une possibilité de son retrait par le chef de l’Etat au regard des réactions enflammées qu’il suscite, ont fondu comme du beurre au soleil, suite à une déclaration sur une radio de la place du ministre Gilbert Bawara qui soutenait que ce renvoi au parlement en deuxième lecture du texte, avait pour objet de permettre aux députés de l’améliorer et de lui conférer tous les attributs indispensables à sa promulgation. Rien de plus.
A quoi joue la CEDEAO ?
Par ailleurs, depuis l’adoption le 25 mars de ce texte scélérat, l’opposition et les acteurs de la société civile, ne cessent d’appeler la cedeao dont selon eux, le protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance a été violé, à la rescousse. Mais lorsque cette institution a daigné se réveiller de son mutisme, c’est pour répondre à une invitation du régime en place, selon son premier communiqué qui affirmait que cette initiative fait suite à une invitation du gouvernement togolais, soulignant ainsi l’importance accordée à cette démarche régionale.
Quand on considère cet énième mutisme de la CEDEAO face à ce putsch constitutionnel du 25 mars, dans un espace où elle s’érige en gendarme, voire en censeur assermenté des puts- chistes, il y a fort à craindre qu’avec la complicité de cette institution, le pouvoir togolais et ses affidés tant de l’intérieur que de l’extérieur ont gagné le pari d’infliger une humiliation de plus au peuple togolais martyrisé des décennies durant par un régime d’exception de la pire espèce que le noir continent ait jamais connu.
Pour ce qui est de la CEDEAO, si elle s’en tient uniquement au contenu de son second communiqué, en se limitant à ce qu’elle appelle une ‘’évaluation préélectorale conformément aux textes communautaires’’, un objectif vaseux, sujet à des interprétations aussi tendancieuses que complaisantes, nul doute que cette institution perdra le reste de sa crédibilité suite à la décision du Burkina Faso, du Mali et du Niger de sortir de ses rangs.
A quoi joue au juste la CEDEAO dans le dossier togolais ? Pourquoi un revirement si spectaculaire comparativement aux premiers objectifs assignés à sa mission au Togo ?

