Plus rien ne va au parlement de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Le début de présidence tournante se révèle mouvementée pour le Togo. Après la menace répétée de retrait de parole, une scène de pugilat manqué a secoué le parlement de l’organisation sous – régionale, le 20 juillet dernier. Le député sénégalais Guy Marius Sagna devra désormais se munir des gants et des filtres avant de critiquer la gouvernance de certains pays de la CEDEAO. A défaut, ses mâchoires en pâtiront.
Les velléités de la 2e vice-présidente de vouloir soustraire la responsabilité des chefs de l’Etat de la sous-région dans de sa paupérisation continue, dans le temps de parole du député sénégalais Guy Marius Sagna ont poussé à une suspension des travaux. La vive altercation prouve à suffisance le clivage entre les courants qui animent désormais les débats publics. D’un côté les chantres de la pensée unique, du culte de la personne des décideurs réfractaires aux critiques même constructives et de l’autre, ceux qui soutiennent un changement de paradigme, considérés comme insoumis par les premiers.
C’est la présentation d’un rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) qui met le feu aux poudres. Ce rapport qui expose la situation de la pauvreté dans la sous-région ouest africaine a relevé des données alarmantes sur le niveau de vie des populations en dépit des programmes et projets mis en œuvre par les partenaires au développement.
Pour le député sénégalais l’échec des politiques de développement en Afrique de l’Ouest incombe à la responsabilité des gouvernants. Guy Marius Sagna estime que le rapport en question devrait être intitulé autrement. « Merci au PNUD qui nous a fait un bon exposé, avec des éléments très importants, très intéressants que je trouve fiables avec d’excellents chiffres. Mais la vision politique du PNUD est mauvaise et catastrophique. Le titre du document que vous nous avez présentés c’est : ‘’Etat des lieux, Pauvreté et inégalités en Afrique de l’ouest’’. En réalité, le titre devrait être ‘’Etat des lieux, appauvrissement et inégalités en Afrique de l’Ouest’’. Tant que le PNUD va continuer à dire pauvreté, le PNUD en réalité n’est pas dans une perspective de soutenir la sortie du sous-développement. C’est l’appauvrissement. Nous sommes les pays les plus riches de la planète terre. Tant que les gens diront que l’Afrique de l’Ouest est pauvre, ça veut dire que ces gens-là font partie du problème. Pourquoi vous ne voulez pas dire appauvrissement ? Parce que, qui a appauvri l’Afrique ? C’est nos présidents. Et vous ne voulez pas fâcher nos présidents », a expliqué le député sénégalais.
Mais, la 2e vice-présidente du parlement ne voulait pas l’entendre de bons oreilles. Emportée par une crise de colère, Mme Adjaratou Traoré a pris la parole sans la demander à la présidente qui dirigeait les travaux. « La liberté de parole ne veut pas dire que vous devez dire n’importe à l’endroit des chefs d’Etat. C’est du n’importe quoi que vous êtes en train de dire. Vous êtes n’importe quoi. Vous devez contrôler ce que vous avez à dire. Vous ne pouvez pas vous adresser aux chefs de l’Etat. Ce ne sont pas vos amis. Je ne suis pas d’accord » a tempêté la cheffe de la délégation ivoirienne, 2e vice-présidente du parlement, Adjaratou Traoré
Devant cette scène dégradante et avilissante pour l’image d’une organisation qui promeut la démocratie, la nécessité d’un recadrage des protagonistes s’est imposée après la reprise des travaux entre temps suspendus.
« Le parlement de CEDEAO doit essayer d’ouvrir les débats. Des indépendances à nos jours, nous avons eu des chefs d’Etat, des ministres, des parlementaires qui ont toujours les yeux rivés vers l’occident pour être riches pour être comme eux. Alors qu’en réalité des solutions endogènes peuvent être la solution. On peut transformer, produire le made in africa. Il faut oser ouvrir les débats. Il y en a qui veulent plaire aux chefs d’Etat. On n’est pas au parlement de la CEDEAO au nom des chefs d’état, on y est au nom du peuple. Les débats et la démocratie, c’est important. Là où il y a le dialogue, des débats, des discussions, il n’y a pas de divergence. Pensez à ce qui a fait que des pays comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger à sortir. Il y d’autres pays qui guettent la première occasion pour partir. Le Tchad, le Maroc et la Mauritanie tapent à la porte de l’AES. Réhabilitons le parlement de la CEDEAO par le dialogue, par les discussions », a recadré le député sénégalais A. Williane.
Le parlement de la CEDEAO doit éviter d’être le champ d’exportation des pratiques propres à certains dirigeants ouest africains, obsédés par le pouvoir d’Etat et prêts à tout museler pour s’éterniser au pouvoir. Les défendeurs de ces régimes anti démocratiques prônant la démocratie virtuelle, doivent éviter de se livrer en spectacle. Ils doivent réaliser que les temps ont changé.
Néné

