– ANC : le parti ne siègera pas dans ces conditions au parlement
– FDR : Siéger, reviendrait ipso facto à reconnaitre la constitution contestée
La classe politique surtout l’opposition est partagée entre siéger ou non à l’assemblée nationale au lendemain de la proclamation officielle des résultats des élections législatives du 29 avril dernier. A l’ouverture de la session de droit du parlement, trois élus de deux partis ADDI et DMP ont répondu présents à la cérémonie. Les deux autres partis ayant obtenu un élu chacun à ce scrutin, ANC et FDR, y ont brillé par leur absence. Suite aux multiples interpellations à clarifier leur position, ces formations politiques sont montées au créneau pour éclairer l’opinion publique.
Dans un mémorandum relatif à la décision de ne pas siéger, l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) réitère son refus catégorique de siéger au parlement. Pour justifier sa décision, le parti de Jean-Pierre Fabre est revenu sur les conditions ‘’inacceptables ‘’ d’organisation de ce scrutin et la promulgation d’une nouvelle constitution contestée. « Depuis plusieurs mois, les Togolais assistent à une succession d’actes inédits sur les plans électoral, constitutionnel et institutionnel, en dépit de nombreuses contestations et levées de boucliers de l’opposition : – recensement électoral frauduleux, – découpage électoral ségrégationniste traduisant un apartheid électoral assumé, en violation de l’article 5 de la Constitution qui prescrit l’égalité des citoyens devant le suffrage ; – complicité et carence des institutions en charge des élections, notamment la CENI ; – prolongation inopportune et illégale du mandat des députés sortants, multiples reports des élections législatives finalement organisées hors délai constitutionnel ; – achats de consciences et fraudes massives ; – utilisation massive des moyens de l’Etat ; – publication de résultats entièrement préfabriqués ; – étude en toute clandestinité par la commission des lois de l’Assemblée nationale d’un nouveau texte de constitution délibérément caché aux populations et aux acteurs politiques ; – adoption en catimini du nouveau texte de constitution ; – promulgation suivie de multiples traficotages ultérieurs avant publication au Journal Officiel », mentionne le mémorandum.
Au regard de ces récriminations, l’ANC n’entend pas cautionner l’arbitraire. « L’ANC n’a pas vocation à valider l’immoralité et l’indécence politiques ainsi que la culture de l’illégalité tranquille qui gouvernent notre pays depuis plus d’un demi-siècle. Il est venu, maintenant plus que jamais, le moment de dire non et de réévaluer sans la moindre complaisance, la position à tenir, les actions à mener, dans l’intérêt bien compris des populations togolaises engagées et mobilisées », précise-t-il.
« L’ANC estime qu’il est inopportun, inapproprié et mal fondé qu’elle siège dans une Assemblée constituée dans de telles conditions. De fait, sans aucun regret et avec tous les remerciements pour tous les appels demandant au parti de prendre la place qui est la sienne –et quelle place- dans la nouvelle assemblée. L’ANC n’y siègera pas », conclut le parti de Fabre.
Réagissant sur la question, Me Isabelle Ameganvi, 2e Vice-présidente de l’ANC, a fermement défendu la décision de son parti de ne pas siéger, expliquant que la véritable trahison résiderait dans la participation à une Assemblée nationale soutenant une constitution massivement rejetée par le peuple. C’était lors d’une conférence de presse tenue vendredi dernier au siège du parti.
« Cela fait longtemps que je n’ai pas vu le peuple togolais aussi unanime à rejeter un projet du régime RPT-UNIR. Le rejet de la Constitution a été massif. Le peuple togolais, dans sa majorité, a rejeté le texte et les conditions dans lesquelles il a été adopté et promulgué. Alors, ce peuple qui a rejeté ce texte, nous allons trahir sa confiance en allant siéger à une Assemblée nationale qui cautionne un tel texte ? Cela n’a pas de sens. Moi, j’estime que c’est en allant plutôt siéger que nous aurions trahi la confiance de ceux qui ont voté pour l’ANC pour qu’on la crédite d’un seul siège », a-t-elle affirmé. Des propos rapportés par nos confrères de Icilomé.
L’avocate avoue que cette décision de boycotter le Parlement n’a pas été prise à la légère : « Nous sommes venus de loin, de discussion en discussion au niveau du comité politique du parti, ensuite au bureau national qui a compétence pour prendre la décision finale. Il y a eu des débats au sein même de l’ANC sur la question. Certains ont pensé qu’il fallait aller à l’Assemblée nationale, d’autres ont pensé qu’il ne fallait pas y aller. Les débats ont eu lieu, ceux qui pensaient qu’il fallait y aller ont développé leur position, ceux qui pensaient le contraire ont également développé leur position. Et ce sont ceux qui ont développé leur position de ne pas y aller qui ont gagné », a-t-elle relevé.
Pour elle, : « Ce débat sur le fait de siéger ou non posera toujours polémique. Que vous décidiez d’y siéger ou non, vous serez jugés de toute façon. Mais à l’ANC, le Bureau national a décidé de ne pas se joindre à cette assemblée, car cela va à l’encontre de nos principes. Nous n’avons trahi aucun peuple. Au contraire, nous avons été cohérents avec notre position de rejet de cette constitution adoptée dans des conditions contestées et rejetées par le peuple togolais. L’ANC ne siègera pas à cette assemblée et assumera les conséquences de ce choix. »
De son côté, le Parti les Forces Démocratiques pour la République, FDR entretenait un suspens sur sa participation ou non aux travaux de la nouvelle législature. Mais dans une déclaration en date du 3 juin, le parti a clarifié sa position. Désormais, il est connu de tous que Me Apévon, l’élu du parti dans le grand Lomé ne siégera pas à l’assemblée.
« Après avoir réalisé le plan macabre de liquidation et d’humiliation de toute l’opposition, les auteurs de cette aventure peu glorieuse ont finalement compris qu’ils sont allés trop loin dans leur hold UP et que la présence des cinq députés de l’opposition à l’assemblée nationale est une caution dont ils ont besoin pour leur servir de vernis démocratique. Mais derrière ce malin besoin de leur faire jouer le rôle d’opposition parlementaire aux côtés d’une majorité qu’ils ont voulu écrasante, se cache en réalité un gros piège, celui de les rendre complices de leur projet et de saper ainsi leur engagement de lutter contre ce coup d’état constitutionnel. La prétendue nouvelle constitution, dont personne ne connaissait auparavant le contenu, a été rendue accessible au public le jour même de la rentrée parlementaire et le règlement intérieur adopté par l’assemblée nationale mentionne clairement que la nouvelle législature est placée sous l’égide de la nouvelle constitution », a dénoncé le parti FDR dans sa déclaration.
« C’est pour éviter cet engrenage que le parti FDR décide de ne pas siéger en rappelant que toutes ses prises de positions au sujet de cette constitution imposée au forceps, il a toujours clamé haut et fort qu’il ne l’acceptera pas », a conclu Me Dodji Apevon, président national des FDR, signataire du communiqué.
Par ailleurs, le parti a pris la décision de ne pas laisser ses 3 conseillers régionaux siéger au conseil régional.
L’ANC et les FDR ne siégeront donc pas dans la nouvelle législature.
Le Changement

